Les coronavirus : des pathogènes infectant les animaux et l’homme ?

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Suite à l’apparition soudaine dans la province chinoise de Hubei de cas de pneumonie sévère, quelques semaines ont suffi pour établir que l’agent causal était un nouveau coronavirus, désigné SARS-CoV2. C’est à la technique dite de séquençage que l’on doit d’avoir disposé dans un délai remarquablement bref d’une information cruciale, en particulier pour la mise au point du test de détection dit PCR (voir F. Barin). Cette technique établit l’enchainement des nucléotides constituant le génome, à ADN ou ARN dans le cas de virus, et permet donc de décrypter l’information génétique qu’il code.

Le génome des coronavirus est constitué d’une seule molécule d’ARN d’environ 30 000 nucléotides, une capacité codante qui dépasse nettement celle d’autres familles de virus à ARN. Il code une quinzaine de protéines non-structurales, qui soit assurent l’expression de l’information génétique soit altèrent diverses fonctions, y compris défensives, de la cellule hôte. Certaines de ces protéines ont une fonction enzymatique (polymérase, protéase) et constitueront donc des cibles pour le développement de molécules antivirales aptes à bloquer leur activité. Les virions se forment par assemblage de quatre protéines, dont la fameuse protéine S qui constitue les spicules hérissant la surface des virions. La protéine S est le déterminant majeur du tropisme tissulaire et de la spécificité d’espèce des coronavirus via la reconnaissance d’un récepteur cellulaire, étape conditionnelle à l’entrée du virus dans les cellules cibles. Elle est également responsable de l’induction d’anticorps neutralisants, qui participent à l’établissement d’une immunité protectrice chez les individus infectés, et que vise à instaurer la vaccination.

Les coronavirus comprennent une cinquantaine de membres, classés en quatre genres, deux infectant exclusivement les mammifères, deux infectant principalement les oiseaux. Jusqu’au début de ce siècle, les coronavirus infectant l’Homme ne se sont manifestés que comme des agents responsables de rhumes bénins. En médecine vétérinaire en revanche, les coronavirus étaient déjà considérés comme des pathogènes majeurs, responsables de maladies sévères chez plusieurs espèces d’animaux domestiques, et susceptibles d’engendrer de lourdes pertes économiques en élevage, comme la gastro-entérite transmissible porcine ou la bronchite infectieuse des volailles. La plupart ciblent les muqueuses aériennes ou digestives,  occasionnant des troubles respiratoires allant de la bronchite à la pneumonie, ou des diarrhées, souvent fatales chez les individus en bas âge. Aucun de ces coronavirus connus en médecine vétérinaire ne s’est transmis à l’Homme.

La pandémie dont est responsable le SARS-CoV2 survient après deux alertes dues à des virus génétiquement proches: les virus SARS et MERS, à l’origine de deux flambées épidémiques survenues respectivement dans la province chinoise de Guandong en 2002, et dans la péninsule arabique en 2012. Un trait commun à ces trois virus est leur origine zoonotique. Les chauve-souris hébergent des coronavirus dotés d’un potentiel de transmission à des espèces taxonomiquement éloignées et font office de réservoirs primaires naturels. Le passage à l’homme peut impliquer un hôte intermédiaire – la civette palmiste pour le SARS – actuellement non identifié dans le cas du SARS-CoV2. Une fois la barrière d’espèce franchie, la transmission devient inter-humaine, avec une diffusion potentiellement incontrôlable lorsque que la contagion passe aussi par des individus asymptomatiques, comme c’est le cas pour le SARS-CoV2.

Lors de la réplication de leur génome, les virus à ARN accumulent des mutations, dont certaines donnent naissance à des variants, et le SARS-CoV2 n’échappe pas à la règle, même si la fréquence de mutations est inférieure à celle d’autres virus à ARN, comme celui de la grippe. Ces variants peuvent – ou non – présenter des propriétés différentes de celle du virus d’origine, en termes de contagiosité ou de dangerosité. Il est donc important de les surveiller. A ce jour, les génomes plus de 300 000isolats du virus ont été séquencés, avec une fréquence des mutations fixée s’établissant à environ une toute les deux semaines, et plus de 2 500 variants ont été recensés. Plusieurs variants récemment identifiés ont été qualifiés de VOC (variant of concern) car ils présentent une capacité de transmissibilité accrue, avec pour effet d’augmenter la diffusion du virus dans la population.

La survenue de cette pandémie dont les effets sont mondialement ressentis nous invite à tirer plusieurs leçons. L’une d’entre elle est que sans les progrès considérables accomplis dans le domaine du séquençage et de l’ingénierie génétique, l’humanité se trouverait fort démunie devant la nécessité de suivre l’évolution de l’épidémie, et de développer des approches thérapeutiques et vaccinales propres à pouvoir y faire face.


Hubert LAUDE
Directeur de Recherche Honoraire
INRAE