Depuis deux mois, le comité gouvernemental indien de contrôle sur les OGM a donné son feu vert pour les essais aux champs de plusieurs cultures génétiquement modifiées (GM), dont le caoutchouc et le coton. Ceci après deux décennies d’immobilisme dans ce domaine, puisque le coton avait déjà été approuvé en 2002. Après la moutarde, ce sont maintenant les pommes de terre et les bananes GM qui entrent en essais – ouvrant peut-être une nouvelle ère d’agriculture biotechnologique.
Des pommes de terre résistantes au mildiou
En Inde, la pomme de terre est l’une des cultures les plus importantes et le mildiou est l’un des plus gros soucis pour les cultivateurs. Les pommes de terre infectées peuvent aussi être impropres à la consommation humaine, d’où des pertes encore plus importantes.
Depuis 2005, le Centre de recherche sur la pomme de terre, à Shimla, cherche une variété qui résiste au mildiou. Cette maladie fongique causée par Phytophtora infestans peut aussi s’attaquer aux tomates et à d’autres plantes de la même famille, les Solanacées, comme le poivre et les aubergines. La maladie s’étend rapidement par temps frais et humide et peut causer jusqu’à 50% de pertes de récolte (voire davantage en France, NDLR).
“Les pommes de terre sont la troisième culture mondiale, après le blé et le riz. En Inde, elles sont cultivées sur 2,2 millions d’hectares – avec une production de 53 millions de tonnes. La productivité moyenne est de 23 à 24 t/ha” précise Sanjeev Sharma du CPRI (Central Potato Research Institute) à Shimla. Traditionnellement, on lutte contre la maladie avec des fongicides et des insecticides, ce qui ajoute au coût de la culture. De plus, avec le temps le champignon développe une résistance à ces traitements. « Tous les 8 à 10 ans, les pathogènes deviennent résistants, même les nouvelles variétés résistantes créées par sélection traditionnelle » ajoute-t-il.
Pour contourner ce phénomène, l’équipe a développé une nouvelle variété de pomme de terre où s’exprime le gène RB. Provenant de l’espèce sauvage Solanum bulbocastanum, ce gène rend la plante résistante au mildiou.
L’équipe a commencé par importer des pommes de terre GM sous accord de transfert de matériel avec les Etats-Unis. « Cette variété a été croisée avec la variété la plus cultivée en inde, Kukri Jyoti, qui occupe 21 % des surfaces dans le pays » explique Sharma. La nouvelle variété ainsi obtenue va maintenant être soumise aux tests de biosécurité officiels : d’abord en confiné, en toutes petites surfaces, puis en parcelles extérieures jusqu’à 1 ha et dans 6 zones agri-écologiques différentes. Ces essais vont aider les agronomes à savoir si la variété convient à toute l’Inde ou si elle doit plutôt être limitée à des régions spécifiques.
Des bananes plus nourrissantes
Siddharth Tiwari, chercheur au NABI (National Agri-food Biotechnology Institute), travaille à améliorer le profil nutritionnel des bananes.
Les bananes cultivées n’ont pas de semences – ce qui rend complexe la sélection par croisements entre plantes. Il faut jusqu’à deux décennies pour créer une variété ! « La technologie GM est le meilleur moyen pour améliorer les propriétés des bananes » affirme Tiwari. Son équipe ne cherche pas à lutter contre les maladies de la culture. Ils veulent plutôt s’attaquer à l’anémie et au déficit en vitamine A via une source alimentaire bon marché et universelle.
Les comprimés de vitamine A et de supplémentation en fer ne sont pas toujours viables, et les procurer à la population via les produits alimentaires serait une meilleure approche. Le NABI a commencé à travailler dans ce sens en 2012. Pour introduire de la pro-vitamine A, ils ont emprunté un gène, le NEN-DXS2, d’une variété courante de banane de Kerala. Pour l’enrichissement en fer, l’équipe de recherche a fait appel au riz avec ses deux gènes OsNAS1 ou OsNAS2.
« Maintenant que nous avons toutes les autorisations, nous espérons commencer les essais dans les deux mois” affirme Tiwari. Tous les tests seront conduits dans les lieux officiels.
“Il faudra deux ans aux plantes pour porter des fruits, après quoi les scientifiques analyseront quelles lignées sont les plus prometteuses. Celles-ci entreront alors dans les tests de biosécurité.” Il faudra donc au moins trois ans pour sélectionner les lignées les plus intéressantes. Pour l’instant, l’équipe a une vingtaine de variétés à tester.
Source : The Print – 2more GM corps get cost nod trials – MOHANA BASU – 26 mars 2023